Bernard Haillant Bernard Haillant (1972)
 

 
 
textes et musiques BH sauf indications
  1. Ca fait grincer des dents écouter un extrait
  2. J'ai fait du feu écouter un extrait
  3. La petite chaise (BH - sur un texte libre de Danièle Nicolas, 7 ans) écouter un extrait
  4. Pour l'oiseau écouter un extrait
  5. Quand j'aurai pris de l'âge écouter un extrait
  6. Le jour où nous serons vieux écouter un extrait
  7. Le printemps des fruits et des légumes (folklore lorrain - BH) écouter un extrait
  8. Pourquoi que les garçons s'en vont (interprète : N. D. Osthues) écouter un extrait
  9. J'ai amie écouter un extrait
  10. Le gamin écouter un extrait
  11. L'oiseau de mon île écouter un extrait
  12. Mes enfants écouter un extrait
 

 
Un livret comportant les partitions de ces douze chansons est paru aux Presses d'Ile de France en 1972. Avant chaque chanson se trouve un poème (ou extrait), souvent inédit, parfois repris plus tard dans une chanson. Ces textes sont insérés sur cette page à la place qu'ils occupent dans le livret. 
Merci à Olivier pour cet apport.
 
ça fait grincer...

...
Il se passe...
Il se passe que tu me regardes,
Et que de ce rien là,
De tout tu me laves...

...
Vois-tu, je le sais bien,
On peut rire au propos,
Mais plus je grandis,
plus je l'affirme :
Les fées existent encore...

"Les fées existent encore"
avril 1968



1.
Ça fait grincer des dents écouter un extrait

Paroles et musique Bernard Haillant
octobre 1964
 
1
Ça fait grincer des dents
De voir sur le trottoir
Une fille qui attend
Et attend tous les soirs
Que les hommes s’amènent
Sans même gentillesse
Et la paient pour sa peine
Refusant la tendresse ;
 
Ça fait grincer des dents
De voir ces têtes pâles
Fardées plus que décent
Pour cacher leur moral
Et de voir que les mâles
N’en prennent pas ombrage
N’apportent que leur rage
Aux fleurs fanées du mal.
 
2
Ça fait grincer des dents
De voir sur le trottoir
Un mouflet de six ans
Qui pleure sans un mouchoir
Parce qu’il a perdu
Une pièce de vingt sous
Pour lui c’était bien plus
Qu’un bonbon qu’un joujou ;
 
Ça fait grincer des dents
De voir ce gosse pâle
Mâchuré, émouvant,
Qu’on bouscule, qu’on dit sale
Et de voir qu’on lui crie
Qu’il bouche le passage
Et de voir qu’on en rit
Disant qu’il n’est pas sage.
 
3
Ça fait grincer des dents
De voir sur le trottoir
Un clochard qui attend
Et qui se laisse choir
Mal rasé, mal fringué,
Qui tend la main en vain
Avec l’air hébété
Que peut donner le vin ;
 
Ça fait grincer des dents
De savoir que cet homme
Était il y a vingt ans
Un amoureux, un homme,
Mais il a tant souffert
Qu’on lui tue femme et gosse
Qu’il trouva la misère
En attendant la fosse…
 
4
Ça fait pleurer d’amour
De voir la fille des rues
Embrasser le mouflet
Retrouver ses vingt sous
Lui dire des mots gentils
Repeigner ses cheveux
Et avec son mouchoir
Essuyer ses grands yeux ;
 
Ça fait pleurer d’amour
De voir le gosse ému
S’en aller et siffler
Et donner ses vingt sous
Au clochard qui sourit
Des larmes dans les yeux
Se dire un au revoir
Et se quitter heureux…


j'ai fait du feu

...
Te voilà, Solitude...
Enroulée à mon doigt plus serrée qu'une alliance !
Te voilà, Solitude...
Autour de ma cheville plus lourde qu'un boulet !
Te voilà, Solitude...
Enserrant mon poignet plus sec qu'une menotte !
Te voilà, Solitude...
Et jugulant mon cou plus étroit qu'à potence !
Ah, te voilà,
La bête,
Ma geôlière insultante,
Mon amante si douce ...
...

"A ma Solitude"
24 avril 1969



2.
J'ai fait du feu écouter un extrait

Paroles et musique Bernard Haillant
6 novembre 1966
 
1
J’ai fait du feu
Pour me chauffer,
Un petit feu
Pour esseulé,
Un feu de paille
Vaille que vaille
Pour mieux rêver
De liberté ;
 
J’ai pris du bois
Sec et des feuilles
Jaunies je crois
Sur un cercueil,
Un tombeau triste
Sur une piste
Qui conduisait
À liberté.
 
J’ai fait du feu
Pour me chauffer,
J’ai fait un feu
De mes regrets,
Il fait bon voir
Danser les flammes
Au reposoir
De nos vieux drames.
 
2
J’ai fait du feu
Pour me chauffer,
Avec un peu
D’immensité,
Loin de la ville,
Loin du passé,
Dans un asile
De liberté ;
 
J’ai pris du bois
Sec et des feuilles
Brûlant je crois
Un ancien deuil,
Hier s’envole        
Dans la fumée,       
J’ai ma parole      
En liberté.           

Hier s’envole        
Dans la fumée,       
J’ai ma parole      
En liberté.  

 


la petite chaise

Un petit village près de Metz: JUSSY. Une petite église; une petite mairie-école avec une petite cour; et quatre grands marronniers, pour jouer aux quatre coins. D'ailleurs, ce ne sont pas des marronniers, mais des tilleuls; et je ne sais s'il y en a quatre ... Mais ce que je sais, ce qui est vrai c'est que, dans cette petite école, Danièle Nicolas écrit des textes libres avec tous ses sept ans; comme font maintenant les petits enfants.

Si je n'ai jamais guère lu la grande presse, du moins j'étais abonné, et je lisais " L'ECHO JUSSIEN ", journal scolaire réalisé par les enfants de Jussy, avec leurs meilleurs textes, leurs meilleurs dessins et les potins du village.

C'est cela, ma première rencontre avec Danièle, et la triste histoire de la petite chaise ...
Ça m'a beaucoup plus. J'en ai fait une chanson.

Vous qui, tant soit peu, faites de la politique, et lisez la grande presse, 
ne faites pas de mauvais esprit!

Danièle, qui va maintenant vers ses quatorze ans, m'a dit qu'elle ne se savait pas si mignonne, à l'âge de ses sept ans ...



3.
La petite chaise écouter un extrait

Paroles et musique Bernard Haillant
sur un texte libre de Danièle Nicolas de Jussy, 7 ans
10 décembre 1966
 
Il était un’ fois un’ petit’ chaise (bis)
Qui n’aimait, n’aimait pas du tout
Que l’on s’assoie sur ses genoux (bis)
 
Pourtant, elle était très gentille (bis)
Mais bien que gentill’ capricieuse
Et plutôt mêm’ très orgueilleuse (bis)
 
Lorsqu’on voulait se mettre à table (bis)
Ell’ s’enfuyait avec dédain
Pour se réfugier dans un coin (bis)
 
Vous allez me conter que pourtant (bis)
Un’ chais’ ça sert à c’ qu’on s’assoie
Et qu’ell’ n’existe que pour ça (bis)
 
Mais écoutez plutôt la fin (bis)
Car un jour qu’elle se sauvait
En courant elle a trébuché (bis)
 
Elle est tombée dans la ch’minée (bis)
Et les flammes l’ont dévorée
Malgré ses pleurs et ses regrets (bis)
 
Moralité de ma chanson (bis)
Si l’on est chaise, chaise restons
Et les caprices évitons ;
Chacun doit remplir sa fonction
Et respecter sa condition


pour l'oiseau ...

"Très vite
Ils nous ont pris tous deux,
Alors que ce n'était ni l'aube pâle, 
Ni la nuit sans lune;
II n'y avait pas de cataclysmes. 
Il faisait beau,
Sans plus,
Comme il peut faire beau un jour ordinaire. 
Ce n'était pas la guerre,
Ce n'était pas la paix, 
C'était
Comme toujours:
Pas une époque détraquée, 
Pas un temps de terreur, 
D'insatisfactions,
De perversions,
Pas plus que d'habitude.
Ils ne nous connaissaient pas, 
Nous ne les connaissions pas, 
Ils ne nous en voulaient de rien, 
Nous ne leur en voulions de rien. 
C'était gratuit ".
...

"L'Amour est plus fort que le Mal"
février 1968



4.
Pour l'oiseau écouter un extrait

Paroles et musique Bernard Haillant
février 1967
 
Il y a longtemps, tous les matins
En me levant je sentais naître
Un palais dans mon cœur
Ouvert comme une fleur
Pour l’oiseau ;
Il y a longtemps, tous les matins
J’ouvrais tout en grand ma fenêtre
Et j’y mettais du pain
De petits bouts de pain
Pour l’oiseau.
 
Tous les matins, je le voyais
Apparaître au fond du jardin
Et grandir d’un coup d’aile
Se détacher du ciel
Mon oiseau ;
Tous les matins, il se posait
Comme un nuage sur ma main
J’étais émerveillé
Sûr’ment apprivoisé
Mon oiseau.
 
Un matin, je ne l’ai pas vu
Mais l’enfant du voisin riait
Jaloux comme il l’était
Méchant comme il l’était
Pour l’oiseau ;
Un matin vide, je l’ai su
Dans une cage il se mourait
Chez ce voisin voleur
Chez ce voisin sans cœur
Pour l’oiseau.
 
coda
Le soleil peut bien s’étonner
Si mes volets restent fermés
Elle est triste l’aurore
Quand un oiseau est mort
Tremblez, jeteurs de sorts
L’espoir d’un gosse est mort !


"nul n'est citoyen en son pays"

Bousculé
Puis interrogé par les Forces de l'Ordre,
Place de la Contrescarpe
Paris Ve
Je me déclarai,
En leur demandant de bien vouloir s'excuser,
Citoyen français.

A quoi on me répondit de m'adresser à mon ambassade...

13 juin 1969



5.
Quand j'aurai pris de l'âge écouter un extrait

Paroles et musique Bernard Haillant
4 novembre 1966
 
1
Quand j’aurai pris de l’âge
Et que je serai sage
Qu’on m’ donn’ra une épouse
Qui n’ peut pas êtr’ jalouse
Quand la santé publique
Me donn’ra un robot
Qui m’ dira quand il faut
Travailler pour la France
Et quand la dialectique
Me dictera les mots
Les gest’s, enfin, c’ qu’il faut
Pour contenter Hortence
Ça, j’en aurai d’ la chance…
 
2
Quand j’aurai pris de l’âge
Mes enfants s’ront en cage
À l’écol’ pékinoise
Pour pas qu’ils s’embourgeoisent !
On les socialis’ra
On les maximis’ra
On les abêtira
On les plastifiera
On les analys’ra
On les décomplex’ra
On les pilulis’ra
On les normalis’ra
Ils en auront d’ la chance…
 
3
Quand j’aurai pris de l’âge
Que j’ s’rai comm’ du fromage
Que je s’rai le modèle
Du citoyen fidèle
Quand, trop vieux pour penser,
Je s’rai l’ porte-drapeau
De la docilité
De la servilité
Pour me récompenser
Comm’ doit l’être un héros
Par l’immortalité
On me f’ra hiberner :
Ça, j’en aurai d’ la chance…


le jour où nous serons vieux

...
L'orage qui dévasta chaque instant de nos jours,
Maintenant s'est tu.
Et nous voilà paisibles.
Et tes cils me caressent lorsque tes yeux se ferment.

"A mon imparfaite"
juin 1968



6. Le jour où nous serons vieux  écouter un extrait

Paroles et musique Bernard Haillant
25 avril 1967
 
1
Merci pour ce rayon de soleil sur mes lèvres
Qui me délie la langue et m’incite à chanter,
Merci pour cette eau-forte qui me guérit ma fièvre
De ses pleines gorgées de vigueur, de santé ;
Je t’aime, sans savoir, et soutire ton lait
Qui me repaît de joie, qui ne saurait tarir,
Jamais tu ne croiras que tu m’as tant donné,
Tu m’as ré-enfanté, et je voudrais te dire :
 
refrain
 
Que le jour où nous serons vieux,
Au dernier soir de notre hiver,
Tu sais, tu pourras être fière
D’avoir rendu un homme heureux…
 
2
Merci pour cette brise qui veut que je respire
Et pour cet ouragan qui redresse mes reins,
Merci pour un seul mot où l’espoir sait sourire
Et pour ces poésies rejaillies de ton sein ;
Pardon si je te pille, si je te mets à nu
Et s’il me faut ta chair, ton sang pour me nourrir,
Toi, qui toujours me donnes et ne veux de reçu,
Quand je n’ai à t’offrir que ces vers pour te dire :
 
refrain
 
Que le jour où nous serons vieux,
Au dernier soir de notre hiver,
Tu sais, tu pourras être fière
D’avoir rendu un homme heureux ;
Le jour où les yeux dans les yeux
D’un baiser nous quitterons la terre,
Oh tu sais, tu pourras être fière
D’avoir rendu un homme heureux…



grand-mère haillant qui revit en l'horloge

Colombey, Cauteret, 
Bouxières .
Roulis dans les salades
A l'heure du quatre heures 
Et les poules
Saoules
Aussi alentour
- Groseilles à l'alcool -
Qui te font la toupie dans le jardin derrière 
Dans la salade aussi.
Scottish, quadrille
Tout au-dessus des bancs
Pour ses vingt ans déjà mariée 
Age de fleur
Car sachez que par-delà les ans 
La moustache lui tenu haut le col. 
J'ai su qu'elle faillit institutrissailler 
Grand-mère Haillant,
Les petits plats te trouvent la dent longue 
Au repas de famille!
Mais rien n'était plus drôle
Quand sa grimace exquise 
Esquissait une moue clownesquise 
A la pilule amère.
Et qu'elle rit souvent!
Mais pas avec ses fesses que l'on a trop piquées 
Pique et pique et colégram
Quand il trotte il fait des pets 
Son bidet.
Je rentre de l'école 
Elle me dévergole 
jusqu'à ce que rigole 
Mon semblant de studieux. 
Il en reste à mon père 
Une horloge
- La grand-mère qui sonne - 
Et à moi
Un service à café en porcelaine blanche 
A dessins myosotis.
" Myosotis, 
Grand-mère! "

"Galerie des Ancêtres "
janvier 1969



7.
Le printemps des fruits et légumes écouter un extrait

Texte de Bernard Haillant
printemps 1970
 
J’avais une grand-mère ;
Non, plutôt deux,
Parce que chez nous, en Lorraine,
On en a toujours deux
Des grands-mères.
Alors la première,
Grand-mère la droite,
Grande et mince,
Pas toujours rigolote,
Qui s’intéressait à la politique, d’ailleurs !
Puis la deuxième :
Grand-mère l’horloge
Etait plus petite, enfin,
Plus large…
(Ça ne veut pas dire que grand-mère la droite était mince de cœur,
Attention !)
Bref, disons que grand-mère l’horloge était plus ronde,
Qu’elle avait pas la même politique que la droite
Et qu’elle m’amusait beaucoup !
Vous ne me croiriez pas si je vous disais
Qu’elle continue à sonner,
De nos jours,
Avec tous les ennuis que ça peut causer !
Car ça cause, une grand-mère,
Et parfois même, ça chante.
Celle-ci particulièrement.
Alors j’aimais grand-mère,
Grand-mère aimait sa chanson,
Et sa chanson m’aimait bien…
Puis ça passe,
Puis c’est le trou…
Heureusement qu’il y avait Simone,
Vous savez, la Simone,
La femme au François le père au Jean-Marie ?
J’ me suis dit : vas-y l’interviewer
Vu que, ta grand-mère partie
Ta mémoire trouée,
Il te faut quelqu’un qui sache
Pour bien raccommoder…
Sitôt dit, sitôt fait,
J’y vais.
Simone était dans son jardin
À cueillir des mirabelles ;
On s’embrasse sur l’échelle
Et tout de suite je l’interroge.
Or, voici ce qu’elle me dit :
 
chanson
Paroles et musique : folklore lorrain et Bernard Haillant
 
1
Le printemps venait de naître
Nous étions dans not’ jardin
Regardant par la fenêtre
D’où nous voyions de bien loin
L’artichaut, l’artichaut
Qui disait à l’abricot
Mon compère, mon compère
Fleuriras-tu bientôt ?
 
2
Ah ! Madam’ je me prépare
À bientôt porter des fleurs
C’est pour couronner la tête
De mon compèr’ le chou-fleur
Qui s’ marie, qui s’ marie     
Avec la bell’ salsifis.            
Qui s’ marie, qui s’ marie     
Avec la bell’ salsifis.
 

3
La groseille z’et l’oseille
Seront demoisell’s d’honneur
Comme ell’s sont jolies d’moiselles
Ell’s auront de beaux danseurs
Ell’s auront, ell’s auront     
L’estragon et le melon.    

Ell’s auront, ell’s auront     
L’estragon et le melon.


 
4
Ah, ben ! dit compèr’ le chou
J’ai des violons chez nous
Eh, eh ! dit commèr’ la poire
J’ai un basson dans l’armoire
J’en jouerai, j’en jouerai    
Avec compèr’ le navet.

J’en jouerai, j’en jouerai    
Avec compèr’ le navet. 

 
coda
Tra la la messieurs, mesdames
Nous allons nous amuser
Tra la la…



fin du monde 

Ma femme est morte
Qui ne m'a point laissé de fils ... 

M'a laissé qu'une fille,
Et seuls étions venus sur l'île inhabitée ... 

Et ma fille est si jeune
Lors que je suis si vieux ... 

6 décembre 1968

Nancy Davis Osthues est Américaine;
Et c'est peut-être parce que je suis de Nancy en Lorraine 
Que j ai rencontré Nancy l'Américaine,
Au cabaret de la Contrescarpe.
Et c'est peut-être parce que je suis de Nancy en Lorraine 
Que j'ai écrit cette chanson pour elle.



8.
Pourquoi que les garçons s'en vont
écouter un extrait

Paroles et musique Bernard Haillant
interprète Nancy Davis Osthues
2 mai 1969
 
Nancy Davis Osthues est Américaine ;
Et c’est peut-être parce que je suis de Nancy en Lorraine
Que j’ai rencontré Nancy l’Américaine,
Au cabaret de la Contrescarpe.
Et c’est peut-être parce que je suis de Nancy en Lorraine
Que j’ai écrit cette chanson pour elle.
 
1
Pourquoi que les garçons s’en vont,
Ceux-là qu’ont poussé dans des troncs,
Qui ont de si larges visages
Qu’on y lisait de grands rivages ;
 
Pourquoi que les garçons désertent,
Ceux-là qui ont l’œil si alerte,
La robustesse dans les bras,
Le cœur gauche et le sang si droit ;
 
refrain
 
Pourquoi quittent-ils nos villages,
Pourquoi s’en vont-ils à la ville
Y chercher des bonheurs faciles
Et des filles de mauvais usages.
 
2
Pourquoi que les garçons s’en vont,
Pourquoi qu’ils nous laissent, les filles,
Et pourquoi vident-ils nos vies
Des danses que nous y aimions ;
 
Pourquoi détournent-ils les yeux
Des quelques taches de rousseur
Qu’un soleil de si bonne humeur
A posé sur nos joues de feu ;
 
refrain
 
Pourquoi quittent-ils nos villages,
Pourquoi s’en vont-ils à la ville
Y chercher des bonheurs faciles
Et des filles de mauvais usages.
 
3
Pourquoi que les garçons s’en vont,
Quel sort a jeté le démon
Pour que mon Pierrot le si blond
S’enfuie aussi à la saison ;
 
Il reste les vieux et les vieilles
Tassés sur un banc de misère,
Près du muret du cimetière
Qu’ils enjambent au noir sommeil ;
 
dernier refrain
 
Cousant chacune à nos fenêtres
La robe qu’on ne doit pas mettre,
Pourquoi guettons-nous le sentier
Puisque le pont fut emporté
Au dernier orage d’été.


j'ai amie

...
Je n'ai plus aucune nouvelle,
Vendange d'eau, vive étincelle,
Je n'ai plus aucune nouvelle,
Dieu seul sait où tu vas, ma vie.
...



9.
J'ai amie
écouter un extrait

Paroles et musique Bernard Haillant
27 juillet 1967
 
1
De longtemps déjà j’ai amie,
Mais son gîte ne dirai point
Tant elle est, de grâces, gentille
Que tôt vous en prendriez soin.
 
Sachez seulement qu’elle est douce,
Belle comme une fleur des champs,
Sachez seulement qu’elle est douce,
Et sachez que j’en ai tourment.
 
Avoir telle amie m’emplit d’aise,
Et jà mon cœur d’un coup s’ouvrit,
Et souffrance et joie, glace et braise,
Tout à tour m’ont fait deuil et vie.
 
2
Alors j’ai fait mille prières
Pour de ses fleurs cueillir les fruits,
Alors j’ai fait mille prières,
Mais le ciel, je crois, m’a trahi.
 
Soit, elle veut bien m’être amie
D’aimable et fidèle secours,
Mais comment suis-je encore en vie
Quand elle est froide à mon amour.
 
Elle ne veut m’être qu’amie,
C’est peu, mais ce peu je l’envie,
Ce m’est un mal, mais ce mal j’aime,
Encore et mieux, et plus je l’aime.
 
3
Lors, je me suis promis de taire
Tout ce que je meurs de ne dire
Pour ne risquer de lui déplaire,
Pour encor la voir me sourire.
 
Je ne crois plus en mon étoile,
Bien que fass’ bon visage au sort,
Mais tendresse gonfle ma voile,
Mon vaisseau craque de tous bords,
 
coda
Tendresse claque dans ma voile,
Et dir’ qu’il faut rester au port.


l'enfant, la lune et le père

- Eh ! Papa,
Regarde,
la lune vient de s'allumer... -

- Voyons, la lune ne s'allume pas,
Dit le père,
Elle reflète,
C'est tout. -

25 novembre 1968



10.
Le gamin
écouter un extrait

Paroles et musique Bernard Haillant
19 décembre 1967
 
1
Un gamin assis sur le trait
Où la mer taquine le ciel,
Un gamin posé dans le rouge
Du soleil couchant
Juste en son milieu (bis)
La la la
 
Un gamin qui n’est pas inquiet
De remplir ainsi mer et ciel,
Un gamin qui dort et ne bouge
C’est presque inquiétant
Dans ce monde en feu (bis)
La la la…
 
C’est presque inquiétant (bis)
 
Quand le soleil se cache
Dans les draps de la mer
L’enfant ne bouge pas
Le soleil peut tomber
Lui il reste là ;
Et quand l’amour attache
Dans l’ombre ciel et mer
L’enfant est toujours là
La nuit peut se glisser
Lui il reste là…
La la la…
 
2
Un gamin assis sur plus rien
Comme accroché sur une toile,
Un gamin posé dans la nuit
Dans le noir du monde
Juste en son milieu (bis)
La la la
 
Et si clair si pur ce gamin
Puisqu’une, et deux, puis mille étoiles
Se sont posées juste à minuit
Pour faire une ronde
Dessus ses cheveux (bis)
La la la…
 
coda
Ce gamin, c’est qui ? (bis)
C’est un peu de toi
C’est un peu de moi
Je crois que c’est tout
Le meilleur de nous.


l'oiseau de mon île


...
Du collier de fleurs de tiaré
Au collier de coquillages,
Sitôt le premier fané
L'autre pèse en mon bagage...
...

"Parahi oe Tahiti"
mars 1972



11.
L’oiseau de mon île
écouter un extrait

Paroles et musique Bernard Haillant
mars 1967
 
1
L’oiseau de mon île
S’en revient, je crois,
Il quitte la ville
Offerte aux frimas,
Et j’ai vu le soleil
Sur mon territoire
En perdre le sommeil,
Se coucher plus tard ;
 
2
L’oiseau de mon île
Est proche je crois,
Là-bas le grésil
Glisse sur les toits,
Et j’ai vu mes forêts
Grandir aux bourgeons
Et courir jusqu’aux haies
Où naissent les joncs.
 
3
L’oiseau de mon île
Arrive je crois,
Là-bas se faufile
À l’orée du bois,
Et j’ai vu ma rivière
Bercer les roseaux,
Et j’ai vu ma lumière
Sourire aux coteaux…
 
4
L’oiseau de mon île
Fait son tour d’honneur,
Le tour de mon île
Qu’il connaît par cœur,
Dans un morceau de ciel
Où son corps s’étire,
Dans un baiser de miel
Ouvert aux soupirs ;
 
coda
Dans des draps de soleil
Et mes bras dociles,
Car il a bien sommeil,
L’oiseau de mon île…


mes enfants 

Et puis tout !
Tout,
Faut bien qu'on vous oublie, 
Tout vous,
Pour qu'on vous redécouvre ... 
Maintenant
Je sais monsieur mon père
Tout en cartes postales griffonnantes de signatures, 
Tout en écriture indéchiffrable
Que déchiffrait maman en toutes tes absences, 
Papa
Tous tes détachements pour aller chez les Hommes, 
En de fortes attaches,
Que maman déchiffrait et que moi 
J'ignorais.

Vindicte bleu de prusse, 
Rose front tout au sang, 
Crâne-Blanc,
C'est ta tendresse à toi; 
Et celle de Nini,
Celle du jour le jour,
Celle de la sueur mêlée à l'encaustique,
Et la croix sur le front avant de m'endormir. 

"Galerie des Ancêtres"
Maman de Champigneulles et papa d'Harmonville en Saintois 
janvier 1969



12.
Mes enfants
écouter un extrait

Paroles et musique Bernard Haillant
janvier 1967
 
Ils ont flétri toutes mes fleurs,
Abandonné toutes mes terres,
Ils ont démontré leur bon cœur
En reniant jusqu’à leur mère,
Ils ont sali les murs blanchis,
Ils ont brûlé tous mes habits,
Ils ont dévoré mon argent,
Et ils en sont fiers, mes enfants.
 
Ils ont volé tous mes fusils
Pour les pointer sur mes amis,
Ils ont saccagé le jardin
Pour y établir leur fortin,
Ils en ont fait un cimetière
En me jetant enfin la pierre,
Ils ont achevé leurs parents,
Et ils en sont fiers, mes enfants.
 
Ils sont venus cracher enfin
Sur ma tombe et sur mon passé,
Ils ont pendu mon chat, mon chien,
Parce qu’ils venaient y pleurer,
Ils n’ont rien laissé au hasard,
Pour être sûrs de mon départ,
Mais je leur pardonne, pourtant,
Car ils sont toujours mes enfants.
 
Car, un jour, le vent tournera,
Et la folie les quittera,
Alors ils s’en viendront pleurer
Sur les restes de mon passé,
Et puis, comme ce sont mes fils,
Ils feront de mon sacrifice
L’aube d’un nouveau testament,
Et je s’rai fier de mes enfants.
De mes enfants… (bis)


grand-mère thomas, la grande et droite


Quand elle était vexée, 
Car elle l'était souvent, 
Elle quittait la table avec son assiette 
Et s'installait,
seule,
Sur le rebord de la fenêtre, 
A deux pas de nous tous 
Qui tous étions vexés.
Un jour d'orage,
Nous étions seuls à la maison tous deux, 
Et réfugiés l'un et l'autre
Dans les bras l'un de l'autre
Au beau milieu de l'antichambre,
Au plus grand centre de l'appartement, 
Toutes pièces autour . . .
Juste suite après avoir 
Tout de même
Coupé l'électricité
Et allumé des cierges bénis . . .
Je n'ai pas su qui avait le plus peur, 
Ni qui avait tête plus dure,
Ni qui avait sensibilité plus acerbe 
A force d'être blessée et rentrée 
Si vite
D'elle ou de moi!

Elle avait de la moustache 
Un fauteuil
Des grains de beauté sur le visage
Où poussait du poil que maman coupait 
régulièrement,
Des bains de pieds,
Et aussi un dentier trempé dans un verre d'eau, 
Et pour finir
Un cancer à l'anus, 
Car tout a une fin ...

"Galerie des Ancêtres"
mai 1969