Bernard Haillant, COMME EN SCENE
(Chorus
n°18, hiver 1996/97)
Physiquement,
Bernard Haillant est d'abord une haute voix. Ténue ou puissante, pure ou voilée,
cri ou modulation, toujours surprenante : le chant poignant, avec lui, tend à
sublimer la chanson, à en éclater la forme ; la musique au sens global
prenant alors le pas sur la mélodie. C'est dire que ce nouveau disque bien «
copieux » - qui consacre dix années de création scénique avec le
saxophoniste Claude Georgel (lequel joue becs et anches, comme on dirait bec et
ongles) - recrée exactement les conditions d'origine et requiert une écoute
exigeante, en particulier au début. Cette dernière précision pour ceux qui découvriraient
Bernard Haillant ; les autres peuvent y aller en confiance, l'émotion les y
attend.
Car
ce type-là écrit chair et âme, sans concession à quoi que ce soit. pas du
genre «
Qui fait l'amour, couplets, refrain / Proprement, sans déranger rien »
(« Voir le bonheur» ). Un humaniste total, donc irrévérencieux,
pour qui le spirituel ne manque pas d'humour - quitte à en faire sursauter
quelques-uns dans leurs préservatifs mentaux (« Clitou et Pinou ») - et à pousser jusqu'au bout
du terrible parce que c'est nécessaire (« Les enfants battus » ).
Un
joueur de mots qui sait «
po-aimer » comme personne (« Ignorance »), et interpréter ses confrères
(Jacques Serizier, Maxime Le Forestier) avec la même sensibilité. Avec en
prime dans le livret, ses commentaires (pointus en diable !) d'artisan
amoureux.