Bernard Haillant, Forum des Halles, 24 septembre  

Bernard Haillant fête ses deux fois vingt ans - quarante ans selon l'état-civil, dont vingt ans de chanson -, entouré de nombreux compagnons des planches. Dans la salle, comble, un public ravi... d'avoir pu obtenir de la place (une semaine avant, on avait déjà dû refuser l'équivalent d'une salle complète ! Dommage, on aurait pu remplir Bobino...).

En fait, le genre de soirée à chaus­se-trappes, génératrice de toutes sortes d'ennuis. Que de spectacles collectifs a-t-on vu où l'un ou l'autre artiste ne résistait pas au plaisir de tirer la couverture à soi, se souciant comme d'une guigne des petits camarades à suivre : après moi le déluge ! Combien a-t-on vu de soirées de ce type où les passages de témoin, d'un artiste à l'autre, se faisaient hésitants, plus qu'approximatifs, où la régie son souffrait mille morts... et le public avec?! Mais ce soir-là - ô miracle de la ferveur partagée - rien de tout cela. Une sono parfaitement au point, qui suscita les applaudisse­ments nourris du public, des éclai­rages sobres mais sans bavures, des transitions coulées, sans la moindre attente ni valse-hésita­tion. Bref, une réussite complète dans la forme pour trois heures en­viron de spectacle.

Et dans le fond ? Une ambiance sympathique, bon enfant, chaleureuse, voulue par le maître d'œuvre : Bernard Haillant soi-même, au four et au moulin, à la guitare et à la sanza, formidable d'authenticité et de générosité, suintant l'émotion par tous les pores de la peau, avec cette voix râpeuse et d'une force incroyable, de l'émotion (merveilleux  "Homme qui pleure" !), mais aussi de la tendresse et de l'humour...

Autour de lui et à tour de rôle, des noms plus ou moins connus du monde de la musique et de la chanson, aux qualités certes inégales mais fondues ce soir-là dans un même creuset d'amitié chauffée à blanc, interprétant une chanson de leur répertoire et/ou une autre de Bernard : Angélique lonatos, bouleversante dans "Je vis en négritude", Fawzi AI-Aiedy, remarquable au cor anglais ainsi que Youval Mi­cenmacher aux percussions. Pedro Aledo (avec Heiner Thym, notamment, au violoncelle) et ses chants méditerranéens. Marcel Azzola et Patrice Caratini et leurs accordéon et contrebasse magiques, Michel Boulet, Didier Desmas, les marionnettes de Jeanpico, Eve Griliquez ("qui a tant tait pour la chanson française" dixit Haillant), Gaëtan de Courrèges, Raymond Fau, Pia Ingrao, et j'en passe.. sans oublier Maxime Le Forestier venu, à la guitare acoustique, faire un pied-de-nez à son copain Bernard en interprétant "J'ai eu trente ans" !

En bref, une soirée unique dans tous les sens du terme. Parce qu'elle ne pourra, hélas, se renouveler, mais aussi parce qu'elle restera dans les mémoires des heu­reux présents comme un de ces moments privilégiés que seuls la chanson vivante, la musique et le plaisir partagés peuvent offrir.

Fred HIDALGO

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