Le
Vingtième Théâtre est plein à craquer pour cette soirée à laquelle
nous invite Monique Haillant, à l’occasion de la sortie du
superbe coffret « Je vous enchanterais les mots… »
qui réunit les 8 premiers albums de Bernard Haillant remastérisés. La réussite
du spectacle doit beaucoup à l’équipe de techniciens son et lumière
du théâtre, qui font un travail de haute précision sans filet. Le son
est parfait de bout en bout, les lumières sont travaillées et précises.
Quand on connaît les conditions de mise en place de ce type de soirée,
ça tient vraiment du miracle ! L’émotion
est palpable pour l’ouverture du spectacle : sur scène, la
chaise-œuvre d’art créée par Xylos est baignée d’une
douce lumière bleue : c’était la chaise utilisée en scène par
Bernard Haillant, celle qui, disait-il avec sa malice coutumière,
« donnait une bonne assise à son spectacle ». La voix
unique de Bernard Haillant, au timbre si particulier, interprète le
texte Quand je serai heureux, extrait de l’album Des mots
chair, des mots sang couronné en son temps par le Prix de l’Académie
Charles Cros. Un frisson parcourt la salle… Pendant
plus de deux heures vont se succéder une trentaine d’artistes
revisitant les chansons de Bernard Haillant, des plus célèbres (Ballade
du vent qui passe par les quatre vieux copains du groupe Crëche, ou
Ça fait grincer des dents, interprétée d’abord par Fred
Musset, puis, en fin de spectacle, par le chœur Passador) aux plus méconnues
(J’ai fait du feu par Fleur Gire). Les temps forts de ce spectacle sont si nombreux qu’on ne peut les citer tous... Signalons tout d’abord les arrangements magnifiques de Claude Georgel, compagnon de scène de B. Haillant pendant plus de dix ans. Imaginez la luxuriance d’un quatuor de saxophones, SAX 4, se mêlant à la voix de baryton de Jean-Louis Georgel (frère du premier), et réinventant Qui émoussa le fil de mon couteau de chasse ?, Ignorance et Mon cœur de roseau. On se prend à rêver d’un spectacle (ou d’un disque) entièrement consacré à ces re-créations, à la fois si proches et si différentes des originaux. Claude Georgel, c’est aussi la beauté épurée d’un sax soprano solo, pleurant les notes de La brisure et ressuscitant ainsi le magnifique « plain-chant d’amour » de Remonter la rivière. Claude
Georgel, c’est enfin la malice de l’interprétation, en duo avec
Jean-Louis, de Quand les ciseaux aboient (Ode à Xylos) fantaisie
composée en hommage au groupe de créateurs-ébénistes du même
nom. Les deux frangins, complices, ne manquent pas de se donner le la
–pardon le scie– avant d’entamer ce petit bijou d’espièglerie
et de précision. Les connaisseurs croyaient entendre le fantôme
des deux égoïnes qui, autrefois, rythmaient le refrain sur scène… Toujours
dans le registre de la fantaisie, le public a chaleureusement applaudi
la prestation de Nathalie Solence, déguisée en mère-grand et qui
a conté « la si aimable histoire » de Clitou et Pinou.
Cette chanson, sous son apparence légère et coquine, est finalement
sans doute plus efficace que bien des discours anti-machistes ! Dans
le même registre, voilà Jules Bourdeaux qui déboule sur scène dans
un costume de Père Noël pour interpréter Noël en Novembre.
Ses talents de comédien se marient à merveille à cette fable loufoque
décrivant l’arrivée inopinée d’un « Jésus qu’est brouillé
avec son calendrier » ! Et
puis, on retrouve avec plaisir Yvan Dautin en pleine forme qui chante Poèmez
(« Poèmez-vous bien les uns les autres ! »
accompagné par Paul-André Maby au piano (qu’il faut saluer comme il
se doit, car il accompagne ce soir-là bien des interprètes) et Claude
Georgel au sax (beaux
accents jazzy). Moments de rire et moments d’émotion alternent dans cette soirée, parfois au sein même des chansons : Marie-Claude Vallez interprétant Coucou, je suis la mort, nous fait ainsi goûter ce chaud-froid si particulier, cet humour grinçant qui embarque le public sur le grand-huit des sentiments ("Mon p'tit gars, ta mère j'viens la prendre pour mes étrennes, mais allez, bonne année tout de même ... et bonne santé!") L'émotion,
c'est aussi l’image forte de
Michel Boutet qui interprète La p’tite fille du cinquième,
a capella, assis sur la chaise de Xylos.
C’est l’incroyable maîtrise vocale de Serge Utgé-Royo qui
épouse à la perfection les envolées lyriques et les confidences
murmurées de Le jour où nous serons vieux. C’est toute l’émotion
du chef-d’œuvre Du frêle esquif dans la voix vibrante de
Jofroi. C’est encore l’interprétation très réussie de Voilà
la vie par Mannick, ou de Pourquoi que les garçons s’en vont ?
par France Léa. La sensibilité à vif de bien des chansons de Bernard
Haillant trouve un parfait asile dans ces voix de femme. Moments
de découverte également, avec des têtes moins connues (du moins de
l’auteur de ces lignes … ) : la fausse nonchalance d’Ivan
Tirtiaux fait merveille sur les accords de bossa de Chanson à
refaire. Yannick le Nagard s’attaque avec audace à François (« Ohé,
de la mappemonde, y a-t-il encore du monde ? »), et réussit
le pari de retrouver le souffle de l’original. Et
puis tout le reste, qui a contribué à la magie de cette soirée : le
hall du théâtre qui reste plein comme un œuf à l’issue du
spectacle, les vieilles connaissances heureuses de se retrouver, le
public félicitant les artistes, … « Alors ça s’est
approché de moi comme un sourire au coin des lèvres, et d’un seul
coup ça a été comme chez nous un arbre de Noël, comme un vieil ami
retrouvé…( Extrait de : Et toc !) »
Beau moment d’échange et d’émotion qui ne fut interrompu…
que par l’équipe du Vingtième Théâtre, légitimement pressée de
fermer la salle après une longue journée de travail ! Merci à toutes et à tous, artistes, techniciens, pour cette soirée si riche en émotions, en rencontres, en découvertes. Merci tout particulièrement à Monique Haillant à l’origine de cette soirée et de la réédition des albums de B. Haillant, qui fait mentir magnifiquement ces quelques vers de son Bernard de mari : J’écris
des mots obscurs, j’écris des mots absents des mots
qui se figurent qu’ils franchiront le temps, de pauvres mots qui durent ce que dure le vent… (Je
vis en négritude)
Liste des
œuvres interprétées : 1e
partie Quand
je serai heureux Bernard Haillant La brisure Claude
Georgel
Ça fait grincer des dents Fred Musset & François Verguet, guitare J’ai fait du feu Fleur Gire & Paul-André Maby, piano Qui émoussa le fil de mon couteau de chasse ? Jean-Louis Georgel & SAX 4 Pourquoi que les garçons s’en vont ? France Léa & Paul-André Maby, piano Chanson à refaire Ivan Tirtiaux Clitou et Pinou Nathalie Solence Signe de vie Charles Gancel, D. Desmas, G de Courrèges, Mannick Voilà
la vie Mannick, Ch. Gancel,
D. Desmas, G de Courrèges La p’tite fille du cinquième Michel Boutet Bonhomme de neige Gaëtan de Courrèges & P.-A. Maby, piano Amours, amours où êtes-vous ? Michel Boutet François Yannick le Nagard Mon cœur de roseau Jean-Louis Georgel & SAX 4 2e
partie Petit Arlequin Nathalie Solence & Claude Gaisne, guitare Quand les ciseaux aboient (Ode à Xylos) Claude & Jean-Louis Georgel Noël en novembre Jules Bourdeaux & Claude Gaisne, guitare Coucou, je suis la mort…Marie-Claude Vallez & Paul-André Maby, piano Femmes, filles Didier Desmas, Ch. Gancel, G. de Courrèges, Mannick Parahi oe Tahiti D. Desmas, Ch. Gancel, G. de Courrèges, Mannick Hachoir Claude Georgel Du frêle esquif Jofroi & Paul-André Maby, piano Poèmez Yvan Dautin & Paul-André Maby, piano, Cl. Georgel, sax. Ignorance Jean-Louis Georgel & SAX 4 Le vieil homme Michel Boutet & P.-A. Maby, piano L’homme qui pleure Nathalie Solence & Claude Gaisne, guitare Le jour où nous serons vieux Serge Utgé-Royo & Léo Nissim, piano Ça fait grincer des dents Chorale Passador, dir. Jean-Paul Baget, piano : Nanae Nakagawa Ballade du vent qui passe D. Desmas, Ch. Gancel, G de Courrèges, Mannick
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Au fil de cette page : des photos, deux interviews et une vidéo...
Quand je serai heureux, vraiment heureux ... Ouverture du spectacle sur la chaise créée par Xylos et qui, selon Bernard Haillant, donnait "une bonne assise à son spectacle".
"Et quant au bonheur... Bon allez, musique !"
Claude Georgel, compagnon de scène de Bernard Haillant pendant plus de dix ans, dans "La brisure". Magistral dès les premières notes.
Fred Musset, accompagné par François Verguet, "Ça fait grincer des dents"
Fleur Gire, accompagnée par Paul-André Maby au piano, "J'ai fait du feu"
Jean-Louis Georgel et le quatuor Sax 4, "Qui émoussa le fil de mon couteau de chasse ?".
Le premier de plusieurs arrangements somptueux de Claude Georgel pour quatuor de saxophones.
"Chanson à refaire", Ivan Tirtiaux
Nathalie Solence, déguisée en grand-mère, nous conte la si aimable histoire de "Clitou et Pinou"...
Première apparition sur scène des quatre compères du groupe Crëche.
Ici, "Signe de vie", écrite et interprétée par Charles Gancel que Bernard Haillant a interprétée.
Michel Boutet interprète "La p'tite fille du cinquième" a capella, sur la chaise de Xylos
Yannick le Nagard, "François"
Ohé, de la mapp'monde, y at-il encore du monde ?
Jean-Louis (et Claude) Georgel, "Quand les ciseaux aboient (Ode à Xylos)"
Jules Bourdeaux en Père Noël déjanté pour "Noël en novembre"
Didier Desmas, "Femmes, filles"
Gaëtan de Courrèges, "Parahi oe Tahiti"
Jofroi, "Du frêle esquif"
Yvan Dautin, "Poèmez-vous bien les uns les autres !" accompagné par Claude Georgel et Paul-André Maby
Serge Utgé-Royo, "Le jour où nous serons vieux"
Ça fait grincer des dents", par la chorale Passador dirigée par Jean-Paul Baget
"Ballade du vent qui passe", final regroupant tous les artistes de la soirée.
Monique Haillant monte sur scène ... pour la première fois de sa vie ! Merci et BRAVO, Monique, pour l'organisation de cette inoubliable soirée.
Deux courtes interviews saisies à l'issue du spectacle avec la complicité de Pierre Fortoul :
Michel Boutet
Gaëtan de Courrèges
Et une courte vidéo du final du spectacle ! (cliquez sur l'image pour visionner le film)